Gérer les fuites et les poursuites
11 juillet 2025Fuir un combat dans Donjons & Dragons est une tactique souvent négligée, mais pourtant essentielle pour la survie des personnages. Dans cet article, j’explore les mécanismes pour battre en retraite efficacement et offre des conseils et outils aux Maîtres du Donjon pour gérer ces situations.
Sommaire
Pourquoi la fuite est-elle rarement envisagée ?
À moins d’avoir déjà affronté certains types de créatures auparavant, les aventuriers ne connaissent pas leur niveau de difficulté relatif. Même en plein combat, ils peuvent ne pas être en mesure d’évaluer leur véritable difficulté si le MD reste opaque concernant les statistiques exactes (PV, Bonus d’Attaque, CA, etc.) jusqu’à ce que plusieurs tours se soient écoulés et que des membres du groupe commencent à tomber.
À cela s’ajoutent différents facteurs qui n’incitent pas particulièrement les PJ à entreprendre la fuite :
- Mentalité héroïque : Les joueurs peuvent penser que battre en retraite est contraire à l’esprit héroïque de D&D ;
- Manque de règles claires : Les mécanismes de fuite ne sont pas toujours évidents ou connus, ce qui peut dissuader les joueurs d’envisager cette option.
Les poursuites du Guide du Maître
Dans le Guide du Maître (D&D 5e 2014) p.252, tout un chapitre est consacré à la gestion des poursuites et pour moi c’est la meilleure approche pour gérer la fuite.
Le principe est plutôt simple et repose sur la même gestion qu’en combat : l’ordre d’initiative ainsi que les actions réalisées par les aventuriers et les ennemis permettent de déterminer l’issue.
Comme lors d’un combat, chaque participant peut faire une action et un déplacement à son tour. La chasse se termine quand un groupe abandonne ou que la proie s’enfuit. Pour lancer la poursuite, déterminez la distance de départ entre la proie et ses poursuivants. Suivez l’évolution de la distance qui les sépare, le poursuivant le plus proche de la proie étant le leader.
Les PJ peuvent choisir de fuir le combat tous ensemble à n’importe quel moment dans l’ordre d’initiative. Si certains choisissent de rester, ils doivent attendre qu’un tour d’ennemi soit passé avant d’avoir la possibilité de fuir.
Pour fuir, les aventuriers vont principalement :
- utiliser l’action de Foncer ;
- lancer éventuellement quelques sorts ou attaques pour créer des opportunités avantageuses ;
- rencontrer des obstacles ou des complications.
Les complications
Le Guide du Maître fournit des tables aléatoires pour déterminer des obstacles et complications selon différents environnements (milieu urbain ou sauvage).
N’hésitez pas à vous en inspirer et à en créer de nouvelles au besoin. Prenez en compte l’environnement dans lequel les aventuriers se trouvent : s’il s’agit d’une forêt, il y aura de nombreux endroits où un aventurier malin peut grimper à un arbre, sauter dans un trou ou se couvrir de feuilles pour se cacher. Dans ce cas, un test de Discrétion (ou éventuellement d’Escalade) contre la Perception du poursuivant serait approprié. S’il s’agit d’un donjon où il n’y a qu’un ou deux chemins, ils devront être plus créatifs — peut-être courir dans une salle déjà explorée et barricader la porte, ou tenter de préparer une embuscade.
Foncer n’est pas si gratuit
La première chose à noter est que l’action de Foncer n’est pas si gratuite qu’elle n’y paraît d’après le Guide du Maître :
Foncer ou Se Précipiter Pendant la poursuite, un participant peut utiliser l’action se précipiter gratuitement un nombre de fois égal à 3 + son modificateur de Constitution. À chaque fois qu’il utilise cette action au-delà de cette limite, il doit faire un test de Constitution DD 10 à la fin de son tour. S’il échoue, il reçoit un niveau d’épuisement.
Ce point est important pour la gestion des obstacles et complications car ils reposent sur les tests de compétence, or un aventurier avec un niveau d’épuisement se voit désavantagé sur ces tests !
Les tests de compétence
Vous pouvez définir et annoncer au groupe que par exemple ils ont besoin de 3 à 6 réussites (selon la difficulté de la tâche) avant 3 échecs, un peu comme le système de jets de sauvegarde contre la mort.
Règle optionnelle : il faut être compétent dans la compétence pour l’utiliser dans ce défi et un personnage ne peut tenter une compétence qu’une seule fois.
Exemples :
- Dextérité (Discrétion) - Le personnage dissimule les traces du groupe ou dirige le groupe pour se faufiler derrière la végétation afin de semer les poursuivants ;
- Dextérité (Acrobaties)
- Vous glissez sur de l’huile ou de la vase, et devez garder l’équilibre pour éviter de tomber ;
- Votre pied accroche une partie saillante du sol, et vous devez éviter de trébucher et de ralentir suffisamment pour être rattrapé ;
- Une malheureuse vermine de donjon (choisissez votre préférée) surgit devant vous, et vous devez l’esquiver pour ne pas trébucher ;
- Force (Athlétisme)
- Vous voyez une zone de gravier, une flaque d’eau ou un autre obstacle au sol, et vous devez sauter par-dessus ;
- Vos ennemis vous rattrapent, et vous avez besoin d’un sprint soudain pour vous mettre hors de leur portée ;
- Vous êtes attrapé par derrière et devez vous libérer pour vous échapper ;
- Sagesse (Survie) - Le personnage repère un raccourci qui augmentera la distance entre le groupe et leurs poursuivants.
- Constitution - Vous êtes à bout de souffle et devez vous efforcer de continuer à courir, gare aux points de fatigue ou aux complications :
- Vous développez une crampe musculaire (choisissez n’importe quel muscle) et devez serrer les dents pour vous échapper ;
- L’air vicié du donjon vous donne des vertiges car vous en prenez de grandes inspirations, et vous devez rester conscient pour vous échapper.
Quelques détails à anticiper
La première chose à vérifier est “Qui est le plus rapide ?” : si un groupe a une vitesse de déplacement plus élevée que l’autre, ou un type de déplacement différent (comme le vol), alors il devrait être assez facile de déterminer qui s’échappe. Le premier tour ou deux de course, alors qu’ils sont encore à portée d’armes, peut être dangereux pour fuir, mais c’est à cela que servent les actions Foncer et Se désengager.
Si les vitesses sont équivalentes, demandez à vos joueurs ce qu’ils vont faire pour stopper la poursuite, et réfléchissez à ce que l’ennemi souhaite obtenir du combat ou considère comme une “victoire”. Parfois, simplement cesser le combat peut suffire. Dans le cas d’une créature comme l’Hibours, elle veut surtout qu’on la laisse tranquille. Si le groupe arrête de lui tirer dessus et de la frapper puis s’enfuit, elle ne les poursuivra probablement que pendant un tour, peut-être deux, avant de faire demi-tour.
Un adversaire plus déterminé — ou le groupe pourchassant un monstre en fuite — pourrait être plus persistant. Simplement courir en ligne droite ne sera probablement pas suffisant. Veulent-ils essayer de se cacher ? Vont-ils jeter des obstacles sur son chemin ? Vont-ils se séparer pour qu’il doive décider qui poursuivre ?
Quelques conseils pour la fin
- Encourager les idées créatives. Demandez si les joueurs contribuent à la fuite autrement qu’en courant aussi vite que possible. Pour chaque idée productive, comme lancer feuille morte pour faciliter une chute depuis un mur/une falaise, réduisez la difficulté (DD) de 1 à 2 points, ou plus s’il s’agit d’une contribution vraiment bonne comme lancer marche sur le vent.
- La fuite n’a pas toujours besoin d’être jouée. N’utilisez pas les mécaniques de base du jeu pour déterminer la retraite s’il s’agit simplement d’une rencontre aléatoire sans circonstances intéressantes liées au mouvement. Donnez aux joueurs un choix. “Vous êtes à peu près sûrs de pouvoir battre en retraite, mais les ennemis lanceront tous des attaques à distance contre votre personne la plus lente” ou “Vous pouvez vous replier, mais vous allez devoir laisser votre charette pour l’instant. Vous pourrez revenir la chercher plus tard, mais vous devrez lancer le dé pour déterminer la possibilité d’une nouvelle rencontre” ou “Dans votre précipitation, vous laisserez derrière vous certains des sacs de trésors que vous transportiez si vous battez en retraite.” ;
- Le donjon se bonifie avec le temps. En cas de fuite dans un donjon, faites savoir qu’il pourrait devenir un peu plus difficile si les PJ se replient et reviennent plus tard, les ennemis auront eu le temps de se préparer à une nouvelle attaque ;
- La fuite temporaire dans un combat. Si votre groupe souhaite simplement semer les ennemis sans trop s’éloigner, c’est une situation où vous pouvez utiliser les mécaniques du jeu. Suivez les mouvements, estimez la portée visuelle des ennemis, et laissez les joueurs utiliser toutes les astuces dont ils disposent pour tromper leurs adversaires. Une bonne règle générale est que si les joueurs sont prêts à dépenser des ressources pour y parvenir, laissez-les réussir ;
- Se rendre peut être plus simple. N’oubliez pas que les ennemis peuvent également se rendre à tout moment du combat, tout comme ils peuvent fuir à tout moment. On peut imaginer également que les PJ pourraient se rendre, mais tout comme la fuite, c’est rarement l’idée qui vient en tête des joueurs ;
Pour moi, le conseil le plus important est surtout d’informer vos joueurs que la fuite existe et que vous, le MD, possédez les outils pour mener cela à bien tout en continuant l’histoire que vous vivez. Cela vous permet en tant que Maître d’être moins inquiet si une rencontre semble particulièrement difficile car il y aura toujours cette opportunité pour les PJ de faire demi-tour et de s’enfuir si les choses tournent vraiment mal. Bon, certes ils se battront probablement encore jusqu’à la mort la plupart du temps, mais au moins maintenant, ils n’y sont plus obligés.